Quel est votre parcours ?
Je suis le Dr Agnès Moura, cheffe du service de soins palliatifs et de support de l’Institut Curie, sur le site de Saint-Cloud. Je suis médecin généraliste de formation et j’ai travaillé 13 ans en médecine interne, toujours à l’hôpital. Ensuite, j’ai rejoint Curie et pris la responsabilité de ce service en juin dernier.
Qu’est-ce qui vous a motivée à vous orienter vers les soins palliatifs ?
Deux choses. La première, c’est l’intérêt médical. Passer de la médecine interne à la cancérologie et aux soins de support, c’est travailler sur une grande variété de symptômes et de situations complexes, en lien étroit avec les oncologues. C’est une médecine riche intellectuellement mais aussi en relations humaines avec les patients, les familles ainsi qu’avec les équipes et les confrères.
La seconde, c’est la dimension humaine. On ne vient pas en oncologie et en soins palliatifs par hasard. On est centré sur le patient et on y est confronté à l’essentiel, à la limite entre la vie et la mort, avec des relations humaines très profondes.
Quelles idées reçues entendez-vous le plus souvent ?
Il y en a deux principales. La première, c’est que soins palliatifs = mort. Évidemment, c’est triste la cancérologie, quand on parle de vie ou de mort, surtout quand il s’agit de patients jeunes. Mais malgré tout, autour de tout ça, il y a de la vie, des joies, des moments précieux au quotidien et tout ce que nos patients et leurs familles sont capables de déployer au quotidien…ce sont de véritables leçons de vie qu’ils nous donnent.
La deuxième, c’est de penser que les soins palliatifs consistent simplement à tenir la main du patient en le regardant avec compassion mais sans action. Bien sûr, il y a cette relation de personne à personne, mais ce n’est pas que cela. Nous disposons d’un vrai arsenal thérapeutique et travaillons en équipe pour améliorer concrètement la qualité de vie de nos patients.
Comment s’organise votre quotidien ?
Notre activité pour l’équipe mobile de soins palliatifs repose sur quatre grands volets :
- Les consultations : le patient vient avec son entourage, nous faisons le point sur les symptômes, les questions, les besoins.
 - L’hôpital de jour : une demi-journée où différents professionnels (médecins, infirmières, psychologues, diététiciens, socio-esthéticiennes…) se succèdent auprès du patient. C’est un temps où l’on se pose pour évaluer l’état général et échanger aussi avec les proches et voir quel chemin on prend.
 - Les interventions dans les services d’hospitalisation : nous voyons les patients hospitalisés, qu’ils soient déjà suivis ou nouveaux.
 - La coordination externe : ce que nous appelons la « salle virtuelle ». Nous suivons des patients à domicile, répondons à leurs appels, adaptons les traitements, coordonnons avec les médecins de ville pour éviter les passages aux urgences.
 
Un souvenir marquant ?
Il y en a beaucoup. Ce qui me marque souvent, c’est l’extraordinaire capacité d’adaptation de nos patients. Ce que nous mettons des décennies à intégrer dans nos vies, eux le font en quelques mois. Ils arrivent à supporter ce que la maladie leur inflige et à trouver un sens à leur vie. Cette résilience, cette capacité à continuer malgré tout, m’émerveille.
Je pense à un jeune patient, motard, très sportif, atteint d’un cancer du pancréas. La première fois que je l’ai rencontré, il m’a dit : « Moi je suis un globe-trotter, le jour où je ne pourrai plus rouler, je demanderai l’euthanasie. » Puis il a accepté la chimiothérapie, très difficilement, et a progressivement réduit ses projets : d’abord voyager en France, puis simplement vivre au quotidien. À chaque étape, il a trouvé un sens à ce qu’il vivait.
Nous, il faut qu’on soit là pour leur donner cet espace et leur montrer que, oui, ça vaut encore le coup. Accompagner le patient dans le sens qu’il donne à sa vie.
Quel message aimeriez-vous transmettre ?
Si les soins palliatifs ne sont pas toujours joyeux et qu’il ne faut pas minimiser les épreuves traversées par les patients et leurs familles, il existe encore de vrais moments de bonheur, de joie, même au cœur de la maladie. Notre rôle, c’est de les rendre possibles et de les soutenir.