Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je suis infirmière depuis 17 ans. J’ai toujours voulu exercer en oncologie et, pendant mes études, je me suis beaucoup intéressée aux soins palliatifs. J’ai d’ailleurs fait mon mémoire sur ce sujet et travaillé comme aide-soignante dans ce domaine. Pour moi, le métier d’infirmière allait forcément de pair avec l’accompagnement et la prise en charge globale du patient, dans toutes ses dimensions.
Après mes études, j’ai exercé principalement en oncologie, en hôpital de jour et en hospitalisation. Puis, depuis deux ans et demi, je suis revenue aux soins palliatifs, au sein d’une équipe mobile composée de quatre médecins et trois infirmières.
Qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager dans les soins palliatifs ?
Ce qui me motive, c’est vraiment la prise en charge globale. Contrairement à une spécialité centrée sur un organe ou une maladie, ici on prend en charge le patient dans son ensemble, mais aussi sa famille. C’est ce qui me touche profondément.
Il y a certainement aussi des éléments de ma vie personnelle qui m’ont orientée vers ce type d’accompagnement. On chemine tous avec notre propre histoire, et certaines expériences renforcent ce choix.
Quelles idées reçues rencontrez vous le plus souvent ?
L’idée la plus répandue, c’est que les soins palliatifs équivaudraient à la fin de vie, au mouroir, à la mort. Quand on se présente en tant qu’équipe mobile de soins palliatifs, il n’est pas rare d’entendre : « Mais ça ne me concerne pas, je ne suis pas en fin de vie ».
Nous réexpliquons alors que « palliatif » signifie « pallier » : pallier aux symptômes, soulager la douleur physique mais aussi psychologique, améliorer la qualité de vie. La prise en charge palliative peut intervenir très tôt, en complément des traitements curatifs comme la chimiothérapie. Notre rôle est d’accompagner le patient tout au long de son parcours, et pas uniquement à l’extrême fin de vie.
Il y a aussi des méconnaissances sur la loi, son interprétation et ce qui peut se faire, ce qui existe. Donc on est là aussi pour réexpliquer tout ça et pour suivre les cheminement des patients.
Souvent, lorsque la douleur physique et psychologique est soulagée, les patients retrouvent des envies, des projets. Peut-être différents de ceux d’avant, mais ce sont de vrais projets qui leur redonnent un élan. Et nous, on est là pour pouvoir répondre à ces souhaits, à ces projets…car les soins palliatifs, c’est la vie. On est pleinement dans la vie.
À quoi ressemble votre quotidien ?
Nous avons trois grandes missions.
- L’hôpital de jour : le patient vient pour une demi-journée. Nous prenons le temps d’évaluer ses symptômes (douleur, fatigue, nutrition), ses besoins sociaux ou psychologiques. Nous travaillons avec des diététiciens, psychologues, kinésithérapeutes, assistantes sociales… L’objectif est qu’il reparte plus apaisé et que l’on puisse mettre en place, avec lui, son projet de vie.
- La coordination avec la ville, le domicile : nous faisons le lien avec les médecins traitants, les infirmières libérales, l’hospitalisation à domicile, les associations. C’est un travail essentiel pour assurer la continuité des soins.
- Les interventions dans les services d’hospitalisation : nous suivons des patients déjà connus ou nous allons à la rencontre de nouveaux patients sur sollicitation des équipes. Plus nous les rencontrons tôt, meilleur est l’accompagnement.
Nous travaillons beaucoup en binôme, médecin et infirmière, et nous passons aussi du temps à assurer un suivi téléphonique, pour réévaluer les douleurs, ajuster les traitements et rassurer les patients à domicile.
Avez-vous un souvenir marquant à partager ?
Il y en a beaucoup. Par exemple, organiser le retour d’une patiente dans son pays pour qu’elle puisse revoir ses proches a été très fort pour nous tous. Nous avons aussi organisé un mariage à l’hôpital. Ces moments sont bouleversants et témoignent de la beauté de ce que nous vivons au quotidien.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
J’aime profondément mon métier. Les soins palliatifs ne se réduisent pas à la mort. Au contraire, ils sont tournés vers la vie. Certes, le temps peut être écourté, mais il peut être vécu pleinement. Pour cela, il faut du temps, de la confiance, et un accompagnement pluridisciplinaire.
Notre rôle est de permettre aux patients de cheminer, de soulager leurs douleurs physiques et psychologiques, afin qu’ils puissent continuer à avancer, faire des choix, et vivre leurs projets jusqu’au bout.