Avec quels outils épidémiologiques, la surveillance de la mortalité COVID s’est-elle faite ?

François Cousin, médecin de Santé publique, Centre National Fin de Vie Soins Palliatifs

Suite à l’épisode caniculaire exceptionnel de l’été 2003 d’une part, et aux attentats de novembre 2015 d’autre part, la France a renforcé son système de veille et d’alerte sanitaires. En 2003, un maillage national d’acteurs de santé i a été mis en place qui fait désormais remonter quotidiennement des informations sur l’état de santé de la population de façon informatisée. Ainsi, Santé publique France, responsable de la collecte et du traitement de ces données, est-elle en mesure de détecter quasiment en temps réel des évènements émergents significatifs en termes de santé publique. Par ailleurs, depuis 2015 et les attentats, une plateforme hospitalière de suivi des victimes d’évènements graves a été créée ii. Elle est activée dès qu’un évènement sanitaire exceptionnel se produit, ce qui permet de gérer l’afflux de victimes et de comptabiliser précisément les décès. C’est d’elle que sont venus les premiers dénombrements de décès liés au COVID. En effet, elle a été activée dès que les premiers cas de l’épidémie sont arrivés dans les hôpitaux en mars 2020. Elle a permis de suivre l’évolution des décès quotidiens et leur localisation précise. Pour ce qui concerne les EHPADs, alors qu’il est apparu qu’une surmortalité était également en train d’apparaître, grâce aux données issues du maillage territorial en lien avec Santé publique France, une plateforme similaire à la plateforme hospitalière a été mise en place en urgence. Même si avec retard, les EHPADs et autres établissements médico-sociaux ont pu eux aussi faire remonter leurs chiffres de mortalité liée au COVID-19 à partir du mois d’avril. Reste le domicile. Que sait-on d’éventuels décès COVID au domicile ? A domicile, aucun dispositif de type plateforme n’est à l’œuvre. Le seul moyen d’obtenir des données repose sur le système de suivi traditionnel de la mortalité basé sur les certificats de décès. Un volet de ce certificat interroge les causes médicales du décès, mais le COVID-19 en tant que tel n’y est pas répertorié. On ne pourra donc qu’approcher la réalité de ces décès au domicile liés au COVID. Ce sera par exemple par extrapolation à partir de la surmortalité qui pourrait être constatée au cours de cette période iii.

Et par ailleurs le suivi épidémiologique par le CepiDc iv des causes de décès grâce à ces certificats papier prend jusqu’à présent de nombreux mois. Certes, depuis 2008, le certificat de décès peut être transmis par voie électronique. Mais à l’heure actuelle, seuls 20 % des certificats sont transmis par ce biais. Dès lors, on comprend qu’il faudra encore patienter quelques temps avant que l’on puisse dresser un bilan vraiment global de la mortalité liée à cette première vague de COVID. Notre système de surveillance sanitaire a été de nouveau, avec cet événement, mis à l’épreuve. Il devra sans nul doute innover encore afin de pouvoir suivre toujours plus finement l’évolution des crises sanitaires.

i Surveillance de surveillance syndromique dénommé SURSAUD® : https://www.santepubliquefrance.fr/surveillance-syndromique-sursaud-R
ii Portail web SI-VIC (Système d’information pour le suivi des victimes d’attentats et de situations sanitaires exceptionnelles)
L’Inseeiii publie chaque semaine des chiffres de mortalité globale qui permettent d’avoir une idée de la surmortalité en comparant les chiffres de 2020 avec ceux des années précédentes.
iv CepiDc : Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Inserm. Il est responsable de la statistique nationale des causes médicales de décès.